Clementi-Ville était un lieu très animé malgré son apparence de petite ville de campagne. Avec la présence d'une arène pokémon, ce n'était pas très étonnant. Hisilde naquit et grandit dans un environnement où les dresseurs et les coordinateurs faisaient partie intégrante du décor. Elle ne ressentit jamais vraiment l'envie de leur ressembler mais elle ne cessait de leur demander pourquoi ils possédaient tel ou tel pokémon.

« Pourquoi ton goélise fait des bulles ? »
« Comment chenipotte crée ce truc gluant et dégoutant ? »

Hisilde ne tarissait pas de questions. Son père riait de sa curiosité innocente et lui répétait sans cesse qu'elle ferait une très bonne journaliste politique. Aimant tous les sujets qu'elle découvrait, Hisilde ne parvint pas à se décider vers quoi s'orienter. Les pokémons ? Bof, le dressage ne l'attirait pas plus que ça. Se laisser aller par la curiosité ? Quel patron pouvait bien vous payer pour être simplement curieux ? Hisilde avait beau s'intéresser à tout, elle n'en était pas moins qu'une adolescente encore ignorante de beaucoup de choses. Son enfance n'avait pas connu d'aventure rocambolesque et rien ne pouvait l'attacher à un sujet bien précis. A la fin de ses études générales, elle finit par postuler comme apprentie au journal régional de Clémenti-Ville, un peu par dépit.

Pendant sept longues années, Hisilde s'épanouit. Elle grandit, abandonna ses manies d'enfant et se lança dans la vie active les deux pieds en avant. Elle découvrit le métier de journaliste avec passion, attention et curiosité. Elle s'avéra très vite douée dans son domaine. Hisilde fut nommée envoyée spéciale de Clémenti-Quotidien pour tous les événements pokémon de la région. Entre enquêtes sur des vols douteux et interview de rangers pressés par le temps, Hisilde eut très peu l'occasion de souffler. Elle se rendit avec un plaisir non feint aux grands championnats d'arènes et aux concours de pokémons. Elle découvrit tout un monde derrière celui qu'elle s'était imaginé étant enfant. Il n'y avait pas que des dresseurs et des coordinateurs, il y avait des tas d'autres gens qui travaillaient avec les pokémons. Ces petites créatures qui l'intriguaient tant enfant retombaient dans son intérêt. Le dressage ne l'avait jamais intéressé, il ne l'intéressait toujours pas mais les recherches pointues qu'il y avait derrière, les inventions, les études de milieu, ... ça, c'était passionnant ! Hisilde ne remercia jamais assez son rédacteur en chef de lui avoir permis de redécouvrir le monde des pokémons avec un œil neuf, plus mature et beaucoup moins obstrué par des réflexions enfantines et innocentes.

Combien de fois n'avait-elle pas été déranger les scientifiques du laboratoire de Bourg en Vol pour obtenir le numéro de téléphone du dernier dresseur prometteur en date ? Lors de ces nombreuses virées au laboratoire, Hisilde s'intéressa aux études du professeur Seko. Ce dernier, ravi de constater qu'elle s'intéressait à la recherche, ne se priva pas de lui faire visiter son laboratoire de fond en comble. Hisilde n'écrivit jamais meilleur papier que son portrait du professeur Seko et son laboratoire.

Sans s'en rendre compte, Hisilde commença à étudier les combats faisant rage dans l'arène de Clémenti-Ville avec beaucoup plus d'attention. Elle tentait de détailler les pokémons eux-mêmes et leur façon d'être plutôt que la stratégie de combat et les attitudes des dresseurs. Inconsciemment, l'idée que le journalisme n'était décidément pas ce qui lui allait le mieux creusait son nid dans son esprit. Son patron la voyait devenir de plus en plus rêveuse, les yeux dans le vague, le menton appuyé sur sa main et un crayon dans la bouche. Il sentait qu'un jour où l'autre, Hisilde finirait par poser sa démission et partir en expédition pour se lancer dans l'étude des pokémons. Finalement, à force d'aborder les challengers du champion régional, Hisilde tomba sur un perdant dégoûté et démoralisé. Elle n'aurait jamais soupçonné que la rencontre avec un dresseur pleurnichard serait un pivot dans sa vie devenue fade et monotone.

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Un combat somme toute ennuyeux et pathétique se déroulait dans l'arène de Clementi-Ville. Norman faisait face à un jeune dresseur qui avait insisté de mesurer son merveilleux pokémon à l'équipe minable que le champion osait posséder. Hisilde se souvenait parfaitement avoir froncé les sourcils en entendant la diatribe de cet enfant trop gâté. Elle ne cesserait d'admirer le calme de Norman. Il lui avait répondu avec un sourire bonasse qu'il relevait le défi et avait hâte de voir le niveau de son adversaire. Pas dupe, Hisilde pouvait deviner l'issue du combat sans même y porter attention. Elle ne tirerait aucun article intéressant de cette rencontre. Le public se fichait des dresseurs m'as-tu vu qui ne prenaient même pas la peine de constituer une équipe correcte. La journaliste poussa un soupir de dépit. Elle plaignait le pauvre pokémon qui devait se farcir un tel maître.

Sans surprise, Norman mit KO le Terhal du jeune dresseur sans que son premier pokémon ne se soit fatigué. Hisilde secoua la tête de gauche à droite, d'un air désolé, et s'avança vers le challenger avec un air engageant. Professionnelle jusqu'au bout des ongles, malgré tous ses aprioris.

« Bonjour, ce fut un très beau match. Mais pas de chance pour cette fois ! Quand comptez-vous prendre votre revanche ? Avez-vous déjà une idée d'entraînement pour votre pokémon et ainsi les mener vers la victoire ?
Comptez-vous en capturer d'autres pour vous construire une bonne équipe ? »

Le dresseur la regarda avec un air vide et poussa dédaigneusement son unique pokémon du pied dans sa direction.

« Toi qui semble si maligne, prends Terhal, il est trop nul. Peut-être que t'arriveras à en faire quelque chose, peut-être que tu t'en débarrasseras, je m'en fiche. Les pokémons, c'est vraiment un truc de ringards. »

Pour une fois dans sa vie, Hisilde fut à court de mots. Le malheureux pokémon à ses pieds la regardait avec un air misérable. Elle leva des yeux troublés vers le champion de l'arène, qui n'avait rien manqué de l'échange, et voulut lui confier le pokémon. Elle avait beau s'intéresser à eux, elle ne s'était jamais imaginée comme dresseuse. Être mise devant le fait accompli ne lui plaisait pas. Mais lorsqu'elle entendit le Terhal gémir tristement quand il comprit que la dame aussi, elle voulait l'abandonner, Hisilde se ravisa. Avec tous les combats et les concours de coordination qu'elle avait suivis, tout ce qu'elle avait étudié, elle arriverait bien à s'occuper de ce petit scorpion tout mignon. Et puis, elle n'avait jamais vu un pokémon pareil. De quel type était-il ? Elle n'avait pas fait trop attention au combat. Hisilde pencha la tête sur le côté. Ayant attisé la curiosité de sa nouvelle maîtresse, Terhal venait d'adopter Hisilde, et pas l'inverse.

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Les débuts de la cohabitation entre Hisilde et son Terhal, rebaptisé Steely pour l'occasion, ne furent pas de tout repos. Steely redoutait à chaque instant d'être abandonné et Hisilde devait redoubler d'attentions pour tenter de le convaincre du contraire. La jeune femme dut s'adapter à la présence supplémentaire autour d'elle mais aussi à interpréter ses besoins. Elle commença à négliger les scoops pour leur préférer l'étude et l'entretien de son nouveau compagnon. Steely n'était pas un pokémon exigeant en soi mais comme tout pokémon, il avait besoin de mouvement. Hisilde lui permit très vite de la suivre pendant ses heures de travail. Grand bien lui en prit : voir le regard d'envie que lançait Steely vers les pokémons qui combattaient dans l'arène de Clémenti-Ville eut raison des dernières résistances d'Hisilde. Il était peut-être temps d'arrêter le journalisme et de se lancer dans quelque chose de bien plus passionnant : l'étude à temps plein des pokémons et de leur environnement. Comme le redoutait son patron, Hisilde remplit un sac-à-dos du strict nécessaire et quitta Clementi-Ville, Steely sur les talons, sa lettre de démission reposant sur son bureau de la rédaction. Hisilde avait un projet : elle voulait créer son propre Pokedex grâce à ses recherches personnelles.