- S'il vous plaît; madame, s'il vous plaît ! Dites nous en plus, s'enflamma un jeune journaliste audacieux, visiblement désireux de faire ses preuves. Après les 2 ans de disparition de votre fils et la récente apparition de la team Armista, pensez-vous qu'il soit impliqué dans cette affaire ?

- Je ne vous dirais rien, espèces de psychopathes assoiffés de savoir ! répondit rageusement la vielle femme dans l’encadrement de la porte d'entrée. Laissez-vivre les âmes honnêtes et allez vous faire voir !

- Mais... Madame Guardia, s'enquit vaillamment un journaliste ayant ignoré l'insulte, c'est quand même votre fils. Quelles pensées avez-vous à son égard compte tenu des nombreux attentats de ces deniers temps ? Êtes-vous inquiète pour sa sécurité ?

- Mon fils est mort, vous m'entendez ? s'entêta la femme, MORT ! Il n'existe plus pour moi. Oubliez-le et tâchez de vous faire vous-même oublier. Vete al infierno!

C'est sur ces mots que la vielle femme claqua violemment sa porte. L'image se figea. Elian, affalé dans un fauteuil, changea de chaîne et regarda pour la centième fois au moins le premier interview de la team Armista rediffusé en boucle sur une chaîne. Puis il éteignit la télé et soupira de lassitude.

Ah la la, sacré "maman". Elle n'a pas changé d'un poil. Toujours avec sa mauvaise humeur en poche, à faire comme si je n'existais pas. Comme si je n'étais "qu'un vulgaire enfant que le ciel n'a plus voulu et dont" elle a "hérité". Je l'avais entendu prononcer cette phrase alors qu'elle faisait une fête avec des amies à elle. Une mère sacrément religieuse, sacrément bourreau.

Quoi ? Et mon père, dis-tu ? Lui, je n'en ai pas le moindre souvenir. Tout ce que je sais sur lui, c'est qu'il était archéologue, et que je lui ressemblais beaucoup. Il a quitté le logement familial très tôt. En découvrant le véritable caractère de cette bougonne de femme, il a du prendre peur. Après tout, je le comprend. Pourquoi rester près de cette vielle bique qui me sert de mère pour si peu ? ... ... (silence) ... ... "Si peu", c'était nous. Moi et Elena, ma sœur cadette. Elena, qui était chérie par tous. Par ma mère, alors que je ne lui aurais jamais cru tel sentiment. Et même moi je l'adorais, bien qu'elle soit clairement la préférée et que j'eus pu développer de la jalousie à son égard. Mais Elena était bien trop jeune pour se rendre compte de la différence d'amour que notre mère donnait à chacun de nous.

Tu dois te demander pourquoi tant de cruauté envers ma mère, n'est ce pas ? C'est pourtant simple de mon point de vue. Elle a toujours été infâme avec moi, me traitant comme un moins que rien, un voyou et un menteur. Peut-être pour se venger sur moi de la perte de mon père. Déjà tout petit, alors que je n'avais encore rien fait, elle me méprisait et me rabaissait dès qu'elle en avait l'occasion. Rien n'était jamais assez bon pour elle venant de moi. Lorsque je faisais quelque chose de bien, je pouvais faire mieux. Et quand je faisais quelque chose de mal... Là, c'était la catastrophe. Je recevais une gifle, tout au mieux, puis je filais dans ma chambre. Mon espace personnel, rien qu'à moi, que je n'acceptais de partager qu'avec Elena. Là-bas, je passais mes journées à imaginer des "plans d'évasion" qui n'étaient jamais finis car il manquait toujours un élément que je n'arrivais jamais à avoir. Comme une fusée, ou encore de la poudre d'écaille de Palkia, pour mon téléporteur. (rires) Je n'aimais pas encore vraiment les Pokémon, à cet âge. C'était Elena qui les adorait. Elle rêvait de se transformer en Evoli un jour. Évidemment, je n'y croyais pas et je me moquais gentiment d'elle.

C'est dans cette ambiance pénible mais néanmoins chaleureuse que je passais la partie la plus innocente de mon enfance. Puis survint le drame qui bouleversa ma vie. La mort de ma sœur. C..Ce n'était qu'un accident... C'est ce que j'aurais pu dire... mais c'était moi qui l'avait provoqué. Le simple fait que j'existe lui aurais été fatal. J'avais l'habitude de passer beaucoup de temps dans les bois. Pour grimper aux arbres, ou faire des cabanes. Bref, des activités d'un gamin de 14 ans. Elena, qui en avait 11, m'avait un jour suivit en cachette. Je montais alors à l'aide d'un ingénieux système de cordes, une grosse planche en prévision d'un nouvel abri. L'une des cordes, trop usée, céda et la planche bascula vers moi. Avant que je ne m'en aperçoive, Elena, plus vive que moi s'était précipitée pour me pousser... Hum... J'imagine que vous devinez la suite. Morte sur le coup, dirent les médecins à ma mère, puisque j'étais allé la chercher.

Et moi, rongé par la tristesse, la culpabilité, et par la peur du courroux de ma mère, je fuguais. Je me réfugiais au plus profond des bois, certain que ma mère n'irait pas jusqu'à me chercher là-bas. Seulement, je n'avais pas prévu qu'une pluie torrentielle me surprendrais et que la peur des éclairs m'obligerai à me cacher sous de grandes racines. Qui dit que je suis un trouillard n'a jamais vu que des éclairs derrière une vitre... ou alors ils étaient vraiment loin. Moi, ils étaient tout proches. Si proche... je savais que ça n'avait rien de normal. Et c'est là que je le vit. Ou plutôt, l'entrevit. Le Grand, le Majestueux, le Magnifique Raikou. Il tenait un rattatac dans la gueule et n'avait pas l'air d'avoir sentit ma présence. Il sauta sur un rocher à quelques mètres de l'arbre où je m'étais réfugié. Je voyais mal, d'où j'étais mis, mais mes yeux croisèrent les siens. Même aujourd'hui, je ne saurais pas vous décrire l'effet, que dis-je, le choc électrique que son regard m'a fait. Notre rencontre ne dura qu'un bref instant, la seconde d'après, il m'avait repéré et avait disparu. Mais c'était déjà trop tard. Il m'avait transmis la "fièvre pokémon".

J'avais passé la nuit sous ces racines et c'est une femme qui m'avait trouvé et qui m'avait ramené chez elle. Elle dirigeait un élevage de pokémon avec sa fille, Jill, du même âge que moi. Entre le traumatisme de la mort de ma sœur et ma rencontre avec Raikou, je me refusais à parler. Le temps d'une journée, Jill se montra très patiente avec moi, malgré ses questions auxquelles je répondais par un regard fuyant. Elle me montra les pokémon de l'élevage, et je pu admirer le lien fantastique qu'il y avait entre eux. Jamais je n'avais connu telle joie avec ma mère. Je voulais rester, mais je dû rentrer, montrant ma maison avec regret à la mère de Jill. Là-bas, malgré la correction phénoménale que je reçus de la part de ma propre mère, je me sentais coupable de la tristesse qu'elle ressentait à cause de la mort de Elena. Je ne me révoltais pas, mais je ne lui disais rien non plus de tout ce que j'avais vécu chez Jill. Dès que je pouvais, je retournais chez cette dernière, attiré par sa bonne humeur et les pokémon. Au détour d'une conversation, je lui avouais la mort de ma sœur, après qu'elle m'ait parlé du décès de son père. Je cachais bien évidemment qui l'avait tué... Mais cette confidence créa un lien d'amitié indestructible entre Jill et moi.

Mon petit manège dura environ 3 ans sans que ma mère n'ait de doutes. Puis un jour, elle essaya de me tirer les vers du nez, concernant toutes ces allées et venues. Elle fut particulièrement détestable avec moi et dans un élan de rage et de stupidité, je lui dit tout, y compris ma rencontre avec Raikou. Comme d'habitude, elle n'y cru pas un instant et me traita de menteur. Et ma mère osa porter encore la main sur moi. C'en fut trop. Je ne répondis pas par la violence, mais la nuit de notre dispute, je décidais de m'en aller. J'enfilais mon manteau et mes gants et disparaissais dans les bois. Je savais bien où aller. Je me rendis chez ma grande amie, et son élevage. Ils acceptèrent de m'héberger. Des bras en plus ne leur feraient pas de mal et je leur proposais mon aide en échange. Là-bas, je prenais en main un nouveau destin.

Depuis mon installation chez Jill, je gagnais la forme. Et après 4 ans de dur labeur, je décidais de me lancer sur les routes avec un pokémon... J'avais 20 ans.